En épéiste du style, le Dandy arbore des poignets mousquetaires à ses chemises presque 365 jours par an. Font exception les jours où il leur préfère un classique polo deux boutons pour se promener en bord de mer ou en centre-ville durant ses congés d’été, qui s’étalent généralement du 18 juin au 6 ou 7 septembre (ça dépend des années). C’est bien simple : il ne part même jamais en week-end sans avoir préalablement glissé dans sa valise deux ou trois paires de boutons de manchette blotties dans leur écrin.
God save the communism ; les boutons de manchette sont devenus l’opium du Dandy, sa Marx de fabrique.
Les plus fins observateurs l’ont expressément pointé, dans L’Obs, L’Express ou Le Point : les boutons de manchette ont opéré un retour en force spectaculaire dans le vestiaire masculin ces dernières années. Jusqu’à une période récente, un homme avait, au mieux, porté cet accessoire une seule fois dans sa vie, le jour où quelques articles du code civil (du 212 au 215) lui avaient été lus par une personne assermentée vêtue d’une écharpe aux couleurs du drapeau national. S’en suivaient des embrassades convenues arrosées de rasades de bulles et ces boutons de manchette regagnaient bien vite le tiroir poussiéreux des bijoux de famille, aux côtés de la pince à cravate. Toutefois, il se trouvait çà et là quelques personnes imbues d’elles-mêmes ou de rares facétieux pour se hasarder à un usage plus régulier de cet ornement. Le souci de distinction (sociale) se mélangeait alors à une certaine idée – voire une idée certaine – de l’élégance masculine.
De nos jours, c’est-à-dire en des jours plus distrayants, les boutons de manchette apportent un véritable supplément d’âme au port de la chemise. Ils sont passés du statut de bijou, parfois protocolaire, à celui d’accessoire de mode mêlant l’originalité à la séduction, le fantasque à l’académisme. Avec l’adresse exquise d’un funambule de l’esthétisme, le Dandy peut ainsi choisir de porter un jour des boutons de manchette en forme de timbre-poste à l’effigie de la reine Elizabeth II et le lendemain afficher la faucille à son poignet droit et le marteau à son poignet gauche. God save the communism ; les boutons de manchette sont devenus l’opium du Dandy, sa Marx de fabrique.
Comme un D’Artagnan de la cité des Ducs investi d’une mission, le Dandy lance sur-le-champ de bataille un appel à la mobilisation de tous les poignets mousquetaires, et de leurs porteurs, derrière son flambeau. Cette association de bienfaiteurs prendra le nom de Fédération française des boutons de manchette, dont il s’auto-proclame, ce 20ème jour du 10ème mois de la 2016ème année, le président plénipotentiaire – à noter que, refusant par principe le cumul des mandats, il laisse à son complice de jeu Eudes le soin d’assurer la conduite des affaires de la Fédération française de whisky-coca. Une fois n’est pas costume, en matière de raffinement (sans parler de raffinerie, plus à l’Ouest vers Donges), c’est de Nantes que tout édit.