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Proposition d’écriture pour « Cheveux de riches »

Quand le Dandy a découvert la page « Cheveux de riches », il a moins été séduit par l’originalité d’une telle adresse à ses contemporains que par l’éruption adjacente d’un style littéraire afférent. Il s’est rapidement convaincu que derrière ces Cheveux de riches, se cachait le ciselé de discrets Dandys peignant leur société en décoiffant admirablement ses icônes.

Rezé, « Transfert », 1er juillet 2018, 7h30

Une foule contemple un bal aérien, Jean-Michel, lui, a la tête dans les nuages… Du haut de cette tour de tôle et d’acier, c’est sa fille Anne-Solène dont tout le monde admire la virtuosité en cette dominicale éclaircie artistique. Elles se font rares, pour lui, les occasions d’être ainsi mêlé au bigarrement du peuple de Nantes, si révoltant et révolté.

…il n’a qu’ignorance et mépris pour ces huluberlus en chemises à carreaux qui dépensent leur RSA à planter des betteraves…

Directeur juridique depuis 27 ans dans une entreprise qui réalise des murs en béton, ce n’est pas peu dire que Jean-Michel est fier de se trouver, ce matin, à deux pas de la Cité Radieuse de Le Corbusier, à Rezé. Le Grand Œuvre de Jean-Michel. Toute sa vie. S’il avait une plume plus acérée que son pelage capillaire si ordonné, il aurait rêvé de devenir rédacteur en chef de Péché mignon Béton, la cuisine des arts industriels. Faute de quoi, il passe ses journées à valider les actes de marchés publics rédigés par la jeune et jolie juriste qu’il a recrutée, qui s’est convaincue que « pour un premier job, 20K€ par an c’est déjà bien ».

Jean-Michel a découvert la culture comme Christophe Colomb a découvert les Amériques : par inadvertance. Sa fille, Anne-Solène, est tombée amoureuse il y a 4 ans d’un graffeur-musicien sponsorisé par Le Voyage à Nantes pour produire chaque année quelques menues inscriptions colorées sur des murs décrépits. Anne-Solène a décidé d’épouser la vie de saltimbanque et de se lancer dans l’intermittence comme danseuse. Jean-Michel leur a ouvert les portes de son T6 sur le cours Cambronne, convaincu d’accueillir chez lui des artistes en résidence. Et pour cause : ils préparaient leur performance pour l’inauguration de « Transfert », le nouveau joujou culturel de la maire de Nantes pour attirer les trentenaires parisiens qui croient gagner au change à scolariser leurs enfants dans des écoles majoritairement blanches.

Indéniablement, Jean-Michel préfère cette ZAC (Zone d’Art et de Culture) à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes pour laquelle il n’aurait pas même ouvert un bouton de sa chemise Oxford pour affronter les CRS venus déloger ces importuns. Bien au contraire, il n’a qu’ignorance et mépris pour ces huluberlus en chemises à carreaux qui dépensent leur RSA à planter des betteraves, nourrir des chèvres rachitiques, et chanter des textes anarchistes prônant la décroissance et l’art de vivre de peu. Julien Coupat et compagnie, au cachot !

Dans le fond de ce qu’il lui reste de morale chrétienne, conservé par la fréquentation aléatoire de l’église Saint-Clément, Jean-Michel voit la ZAC de Transfert comme une belle salle de jeux à ciel ouvert pour les enfants Roms vivant çà et là dans des baraquements en bord de Loire. Cela lui rappelle l’époque où lui-même batifolait dans les plantes sauvages du côté de Trentemoult, tentant de séduire la jeune Anne-Aymone avec ses démonstrations de pêche de silures à mains nues. Fan inconditionnelle de Renaud, Anne-Aymone lui disait alors : « Jean-Michel, laisse béton ». Elle ne se doutait pas, à cet instant, qu’il en ferait sa vie…

Signature Évariste