Bien que la notion de week-end en Dandysme soit assez floue puisqu’extensible à tous les jours de la semaine, le dimanche demeure, dans le cœur du Dandy, un jour à part. Une sorte de condensé subtil et radieux de sa vie trépidante, aux visages multiples. S’il n’en fallait retenir que trois : la flânerie, l’after, la résoi. Jour, matin, nuit.
Le dimanche en plein jour
Sorti du sommeil par les bruits de la ville, ou par une présence féminine les jours d’échappée belle, le Dandy se délecte de profiter encore de sa chambre à coucher pour s’adonner à la lecture. Cette dernière prend souvent la forme d’une session de rattrapage hebdomadaire de la réception quotidienne du Monde, à laquelle viennent s’ajouter quelques numéros de Society ou de Libération. 12 heures s’apprêtent à s’afficher sur l’horloge ancestrale de son salon, il est temps de se hâter pour rejoindre le marché de Talensac. Emplettes réalisées pour la semaine à venir, un verre de muscadet des familles est pris en terrasse au café Le Parisien. Le Dandy y glane, écoutant les conversations alentour, quelques informations tactiques sur le style de jeu des Canaris et les dernières formules de calcul des points de retraite. Ayant décidé d’un commun accord de prendre sa retraite avant même qu’elle ne lui soit accordée, il peut sereinement battre en retraite de Talensac et rejoindre son logis. Le déjeuner s’étire jusqu’à une heure très avancée de l’après-midi pour mieux savourer la promenade qui suit. Flâner le dimanche dans Nantes est un plaisir de Dandy que tout le monde peut s’offrir. La découverte heureuse, au détour d’une rue ou d’un boulevard, d’un vide-grenier de quartier est le sel qui vient assaisonner une journée délicieusement ralentie. Les Nefs et le Grand Eléphant font toujours recette. La Place Viarme les jours de brocante également. La butte Sainte-Anne est un refuge où il fait bon se hisser. Le Jardin des Plantes a la beauté ; le cimetière de La Bouteillerie le silence. Aux bords de l’Erdre toujours prisés, les bords de Loire sont une alternative moins embouteillée. Partout le Dandy est bien du moment qu’il marche. Le dimanche après-midi présente aussi l’immense avantage pour lui de se mêler et d’échanger avec une population qu’il côtoie peu d’ordinaire et dans laquelle il compte pourtant des amis : les parents. Devoir accompli du jeu au Parc de Procé ou d’un tour de manège, ils disposent d’un faible répit, en fin de journée, propice à la dégustation d’un verre. Hangar à bananes pour le soleil couchant. Pour le Dandy, une journée entamée dans le plaisir des mots se conclut agréablement dans le plaisir des choses.
Le dimanche au matin
Cette version idyllique du dimanche idéal est une toile dont la peinture sort parfois – souvent – du cadre. Fidèle à sa réputation d’éternel noceur, le Dandy ne se refait pas : il sort tout le temps. Même le samedi soir. Au fond de lui-même il le sait, s’il sort le samedi (un soir pourtant peu instructif sur l’état de la faune nocturne), c’est sans doute pour le seul plaisir de savourer un dimanche aux aurores. Dans ce qui constitue une deuxième soirée dans la soirée, la seule qui compte, l’after mène en règle générale à Talensac. Pris dans les phares de la nuit, rien n’empêche un lapin de retrouver son terrier. Peu importe le point d’où il part, Papa Tango, VIP, Royal ou Conclav, l’essentiel est d’y quérir dès l’ouverture les délices de la maison Brison à déguster square Maquis de Saffré ou canal Saint-Félix. Quand le Kilimandjaro a bien retourné les esprits, la consistance de ce repas matinal est d’autant plus appréciée. Là encore, le Dandy croise une population qu’il ne connaît pas : des gens qui se lèvent tôt le dimanche matin. Horreur ou compassion, il hésite sur ses sentiments à leur endroit. Ces derniers ne savent pas bien d’ailleurs si le Dandy est l’un des leurs, sa mise étant comme de coutume impeccable malgré l’implacable nuit agitée et virevoltante qu’il vient de vivre. 12 heures s’apprêtent à sonner au clocher de Saint-Similien, sentiment d’un samedimanche qui ne fait plus qu’un.
Le dimanche soir
Le dimanche, c’est aussi le temps des copains et de l’aventure. Entamé dans la chaleur d’un foyer, autour de mets à la cuisson rapide et de jolies teillebous de vin, le dimanche soir sépo se convertit par petites touches en véritable résoi. Le babyfoot installé dans le salon redonne comme une bouffée d’oxygène adolescent, nourrie des souvenirs des années collège où il était une institution. Sous l’ombre portée de l’église Saint-Félix, toute proche, se rejoue une forme de défoulement jubilatoire où la chance vient chambouler les notoriétés amicales. On sort ! Deux jours peuvent se suivre et ne se ressembler en rien. Le samedi soir s’apparente des fois à un défilé théâtral d’extravagances et de vantardise. Le dimanche soir est une magie qui fonctionne sur l’alchimie singulière et le confinement en quelques lieux sélectionnés d’une clientèle qui aime authentiquement la fête et la sortie. Sortir le dimanche est un bonheur pour qui, comme le Dandy, aime trouver souliers à ses pieds. Le Maximo Club est la meilleure porte d’entrée vers l’Eléphant Club qui accueille sans prix d’entrée et sans vestiaire. Diplomatico et whisky-coca en double-file dans ses deux mains. Demain seulement, il sera partagé entre Orelsan (« tous les matins sont des lendemains de cuite ») et Sofiane (« je me réveille la tête en bois j’suis pas fier encore bourré d’hier »). On sera lundi matin. Retour de la revue de presse. Qu’on se le dise : le dimanche n’est plus le seul apanage du Seigneur, c’est clairement le jour du Dandy.