Dandy de Nantes © shooting à Pornichet, vers 20h – juillet 2017
C’était un temps où la SAMOA voulait fabriquer la ville autrement, avant de recourir basiquement à la traditionnelle méthode du bétonnage à marche forcée. C’était un temps où l’on pensait qu’un nouvel aéroport ferait venir à Nantes tout ce que le monde compte de pêcheurs à la ligne et de dégustateurs d’élixirs. C’était un temps, enfin, où l’ineffable mot lounge allait disparaître des enseignes pour être revendu à prix d’or par les brocanteurs de la place Viarme aux amoureux du vintage. C’était en 2012 et Arnaud Montebourg, audacieux ministre du non-moins audacieux Redressement productif, posait en couverture du Parisien Magazine en marinière Armor Lux. Objectif Made in France.
…le Dandy a choisi de ne porter la marinière qu’en de rares occasions et sur la base d’une complicité amicale. En clair : la marinière est devenue un dress code de sortie.
Par un mystérieux effet de mimétisme identificatoire et de militantisme identitaire, des nuées de chalands se ruèrent aussitôt dans les échoppes de la préfecture de Loire-Atlantique et des stations balnéaires du département pour se procurer par lots entiers des marinières de toute taille. Au point que Le Voyage à Nantes jugea bon, quelques temps plus tard, d’en proposer une édition limitée aux couleurs de son fil conducteur vert. La consécration artistique venait ainsi couronner une opération commerciale aussi soudaine que de grande ampleur.
Pour autant, il est injuste de vouloir jeter hors du Petit Bateau le bébé matelot avec l’eau du bain de mer. Vêtu d’une marinière ou d’un ciré jaune, le Dandy est-il un homme qui prend l’amer ? Ce serait raccourci de courte vue de le penser. Dans l’horizontalité de ses lignes, la marinière incarne précisément l’horizon, le lointain, l’intemporel, elle dessine les perspectives et les superpose. Le ciré jaune qui défie lui-même le temps, surtout les jours de pluie, est une forme d’éclat solaire fait vêtement, il rayonne dans la grisaille, il attire les regards comme un phare prévient du danger. Emblèmes et symboles à la fois, l’une comme l’autre se remarquent… et se font remarquer.
C’est bien de ce dernier besoin (se faire remarquer) que tout dérive. Force est de déplorer, aujourd’hui, le débordement sur les quais de Loire de marinières et cirés en tout genre dont les porteurs échouent à valoriser l’usage. C’est encore pire sur la côte en juillet et août où tout estivant se croit investi de la mission d’acheter melons et saucisses au muscadet vêtu d’un attribut marin. Face à un raz-de-marée, on ne peut se contenter d’écoper. Par Saint James, mais que fait Guy Cotten ?
En éclaireur de ses contemporains, le Dandy a choisi de ne porter la marinière qu’en de rares occasions et sur la base d’une complicité amicale. En clair : la marinière est devenue un dress code de sortie honoré à plusieurs. Car fondamentalement, il faut bien le reconnaître, la marinière – vertu de son intemporalité – n’a pas opéré le virage assez salutaire du slim fit et demeure parfois inesthétique dans son porté. Le pull marin, col boutonné sur l’épaule gauche, est en revanche une pièce qui fait l’unanimité. Dans le confort de ses appartements, le Dandy a jeté son dévolu sur le « Pull’Ouvert » de La Touche Française, tricoté en Bretagne et de grande qualité, le souci du détail jusqu’au liseré bleu-blanc-rouge ornant la manche gauche. Idéal pour se caler dans son chesterfield à la lecture de L’Écume des jours. Contre Vian et marées, le Dandy reste lui aussi intemporel.