Quelques heures auparavant, autour d’un verre suivi d’un autre à La Comédie des Vins, Évariste apprenait à Eudes, à son grand ravissement, l’existence de la « bande de Poitiers », jeune garde fracassante de la députation macronienne née à la politique en même temps qu’elle portait le fer dans la ville de Charles Martel.
On ne sait pas très bien comment un tel établissement échappe à toute forme de rigueur en vigueur. Tant mieux !
Une poignée d’heures plus tard, à la sortie du Conclav, si ce n’est du VIP, quand la nuit s’est étirée si longuement que le petit matin lève déjà une paupière, deux choix s’offrent au Dandy – le choix de rentrer chez lui ne faisant guère partie de ses aspirations naturelles. Petit 1 : aller frapper à la porte du logis de Julia Kerninon pour s’y faire offrir le petit-déjeuner et entamer une discussion littéraire. Petit 2 : se rendre au Kilimandjaro en mode after et entamer une ascension libertaire.
Il n’ira pas beaucoup plus loin / La nuit viendra bientôt / Il voit là-bas dans le lointain / Les neiges du Kilimandjaro
À cette heure, il n’est plus d’heure. Ernest Hemingway et Pascal Danel ont fusionné pour offrir au Dandy l’une des plus belles adresses de prestige et de nouba qui soit pour un after. Lieu privilégié de repli, à la sortie du Bilboquet tout proche, de la clientèle africaine et antillaise de la métropole Nantaise, le Kilimandjaro est en journée un tranquille restaurant populaire de cuisine afro-antillaise face au M.I.N. encore debout. Le week-end, entre 6 heures et midi, le Kilimandjaro se transforme, se métamorphose : une musique assourdissante à rendre jalouse une enceinte du Hellfest, saccadée et interrompue comme le coupé-décalé d’un unijambiste, tente d’ambiancer une clientèle interlope, composée de fêtards farouches ou innocents, de sapeurs discrets, de météorites nocturnes, de maniganceurs en loucedé et de rares femmes courageuses qui animent de leur présence ce lieu insolite. Les jeux de lumières zigzaguent autant que les esprits divaguent. Séparant les deux salles, la cuisine est aussi longue qu’un couloir de lycée et s’avère ouverte pour les clients qui ont une faim de loup. On ne sait pas très bien qui gère l’établissement. On ne sait pas très bien comment un tel établissement échappe à toute forme de rigueur en vigueur. Tant mieux ! La vie n’est pas que rigueur, elle est surtout vigueur. Vigoureux, ceux qui comme un Dandy gravissent le Kilimandjaro pour n’en redescendre qu’au matin échancré. Le Kilimandjaro est un sommet de l’art festif. Il fait jour, la neige est éternelle, la nuit aussi.
À Juliette B.
Le Kilimandjaro :
41 Boulevard Gustave Roch – Île de Nantes – 44000 Nantes