Toute petite, laissée à l’abandon de sa créativité, la marmaille enfantine pratique une forme primitive de tatouage : elle prend un plaisir infini à tâcher tout ce qui s’apparente à du textile, surtout lorsqu’il est sien, et choisit ses mimines, ou son visage, comme terrain de validation grandeur nature du bon fonctionnement de ses 18 crayons de couleur. Plus tard, à l’adolescence, les portes de sa chambrée claqueront vertement au nez de parents à court d’arguments pour lui refuser un « Only God can judge me » lové dans ses avant-bras, ayant eux-mêmes cédé à la tentation du « Carpe Diem » dans le cou. L’épitaphe vit désormais sur l’épiderme : le tatouage devant l’Éternel.
[…] le tatouage est un fléau […] C’est l’acte de rébellion ultime des Internets.
Nantes n’échappe guère à cette sombre prolifération, du Hangar à Bananes à la vertueuse église Saint-Félix, du Bas-Chantenay au toit du Nid. Il y en a partout. Le Dandy ayant coutume de penser que la bonne santé d’une ville se juge au nombre de ses salons de tatouage, il est bien en peine d’expliquer le malheur qui semble s’abattre sur sa ville chérie.
Quartier après quartier, tous sont frappés.
Le tatouage Est un naufrage
Y a-t-il seulement des rescapés ?
Le point de vue du Dandy sur la question se résume d’une concision (certes) sentencieuse : le tatouage est un fléau. Physique, esthétique et narcissique. C’est en cela une nouvelle fléausophie de vie. C’est l’art contemporain des classes moyennes. C’est l’acte de rébellion ultime des Internets. Il va sans dire que le tatouage est aussi éloigné du Dandysme que la courtoisie l’est des automobilistes coincés aux heures de pointe rue de Strasbourg. Cette fléausophie renferme une conséquence inattendue mais logique en définitive : le terrain d’expression vestimentaire (cœur du réacteur Dandy) a été délaissé par ses contemporains au profit du plus intime terrain d’expression corporelle. Diable de bois ! Distinguez-vous par vos vêtements, pas par vos tatouages ! La tenue en ville ne pèse plus rien face à la tenue de plage, qui sied à l’exercice d’exposition de soi.
Comme tout espace en friche, la nature a repris ses droits dans la rue : costumes masculins d’une tristesse à rendre élégant Michel Houellebecq, souliers noirs ou marrons à lacets de couleurs (un jour, il faudra vraiment arrêter !), jeans ou chemises Hugo Boss et Paul Smith ces Dieux du stade des années lycée, vestes matelassées (désolé, c’est toujours un peu elles qui trinquent), paire de Vans au pied le skateboard dans la poche de chemise bûcheron. Il faut en finir. Ici c’est le Nantes qu’on aide – pour qu’enfin revienne le Nantes qu’on aime.
Tout le monde a faim de tatouage. C’est une aubaine : le Dandy veut la « Fin du tatouage ». Chut… en scred, il pense se le faire tatouer…