« Préambule. Il ne se trouve pas mieux qu’une rubrique ‘vestiaire’ pour parler du fameux jeu à la nantaise. C’est même une consécration pour elle. La force des souvenirs d’Agathon, qui se lisent ici aussi facilement qu’on glisse un protège-tibia dans sa chaussette, vient en chanter les louanges en chantre des canaris. Le jeu à la nantaise est un tel legs au football français qu’il méritait amplement un rappel historique en ces pages. Les Dandys. »
Comme chaque week-end, le Dandy part se décrasser dans le parc de Procé, se lançant dans une course-poursuite (perdue d’avance ?) contre la vieillesse au long du val de Chézine. Ce samedi matin, le soleil est au rendez-vous. On finit tranquillement sa course, sans s’être mis dans le rouge. Quelques gorgées d’eau, une bonne dose d’étirements, et le Dandy lève la tête. Soudain, c’est son adolescence qu’il voir revenir, lancée à toute vitesse, balle au pied, crochet extérieur et frappe sous la barre transversale !
…la Jonelière fut même le théâtre d’une rencontre improbable entre le FC Nantes et… les Wailers de Bob Marley au tout début des années 80 !
Face à lui, Jean-Claude Suaudeau, ancien entraîneur adulé du FC Nantes, auquel la Beaujoire voue un respect éternel. Il faut l’aborder, c’est une évidence. Bonjour Monsieur Suaudeau, quelle belle époque pour le foot lorsque vous étiez entraîneur du FC Nantes. – C’est la plus belle période de ma carrière, répond le druide jaune et vert, nostalgique mais fier.
Les souvenirs affluent… Nous sommes en plein cœur des années 90 : le tir au but de Roberto Baggio qui s’envole dans le ciel de L.A. en finale de la Coupe du Monde 1994, les frasques cantonesques (« when the seaguls follow the trawler, it is because they think sardines will be thrown into the sea »), le centre foireux de Ginola (version nineties du Dandy) dans les derniers instants de ce maudit France-Bulgarie, la frappe du parisien Vincent Guérin, écrasée mais victorieuse, éliminant le grand Barça de Cruyff…
Coup de sifflet final, pas de prolongation, j’ai mené le bal, repasse-toi mes actions, j’ai des millions de francs cachés dans mon jardin, je bois du cacolac, ça c’est Jean-Pierre Papin. Doc Gynéco, un homme de son temps.
Et le FC Nantes Atlantique alors dans tout ça ? Probablement la plus belle chose qui soit arrivée au football français de ces 25 dernières années, exception faite des succès de l’équipe de France en 1998 et 2000 (quoique…). Le fameux jeu à la nantaise, marque déposée… Le Dandy pourra en parler à ses enfants, leur dire qu’à l’époque, on savait jouer au foot ! Le jeu à la nantaise, c’est ce but inscrit à la Beaujoire un soir d’août 1994 par l’immense Patrice Loko. Une action collective magnifique, entre simplicité et virtuosité, partant d’une remise de touche pour se terminer sous la barre transversale d’un Bernard Lama incrédule.
La saison 1994/95 du FC Nantes restera comme la plus belle de son histoire, et encore aujourd’hui, la plus belle saison jamais réalisée en Ligue 1, ou plutôt en Division 1 comme on disait alors. Une avalanche de buts et de beau jeu relayée tous les dimanches matins par Téléfoot, que le Dandy préférait alors au sermon et à l’hostie ; des joueurs magnifiques : Patrice Loko et Nicolas Ouédec, les buteurs insatiables, Japhet N’Doram, l’esthète venu d’Afrique centrale, Christian Karembeu, le guerrier kanak, Raynald Pedros, le passeur, Claude Makélélé, l’homme aux trois poumons, Serge Le Dizet, Eric Decroix, Eddy Capron, l’arrière-garde. Seul le RC Strasbourg d’Alexander Vencel et Mostovoï viendra briser les rêves d’invincibilité des Nantais à la 33ème journée. Le Dandy se souvient tout particulièrement d’une victoire 3-0 au Parc des Princes, au cœur de l’hiver, une véritable humiliation infligée au grand PSG de l’époque, emmené par Weah, Ginola et Raï… Imaginez un instant Yacine Bammou et ses coéquipiers réaliser le même exploit cette saison dans l’antre qatarie ? Non, on est certes nostalgique mais pas fou…
Nous faisons d’ailleurs souvent référence à cette saison, mais le FC Nantes avait déjà brillé auparavant, dans les années 60 et 70, sous la houlette de José Arribas, véritable inspirateur du jeu à la nantaise : déplacements coordonnés, mouvement perpétuel, jeu à une touche de balle, plaisir collectif (sic)… Jean-Claude Suaudeau est alors joueur, tout comme Robert Budzinski, futur directeur sportif du club. C’est là que la rivalité Nantes / Saint-Étienne s’établit, les deux équipes se disputant le titre chaque année à cette période. Il se murmure même encore aujourd’hui que Michel Platini, alors pensionnaire du rival stéphanois, aurait pu rejoindre les canaris en 1978, si l’influent capitaine Henri Michel ne s’y était pas opposé, par peur de perdre sa place.
À l’époque, les matchs se déroulaient au Stade Marcel-Saupin, en bord de Loire, où un public populaire, sorti des usines environnantes, venait chaque semaine se délecter des buts de Philippe Gondet. Le stade existe toujours aujourd’hui, comme témoignage d’un passé glorieux, et a fait l’objet d’un projet original, celui de conserver son terrain sportif et de proposer des espaces de bureaux. À l’occasion, prenez le temps de vous y balader pour vous imprégner de ces souvenirs, et finissez votre séquence nostalgie par un verre en terrasse à la brasserie La Passerelle de Marcel, tenue par un ancien canari, Vincent Bracigliano.
Et José Touré alors ! Quel joueur ! Le Dandy se connecte à YouTube pour visionner une nouvelle fois ce but de légende inscrit par le « Brésilien » en finale de la Coupe de France 1983. Et un Brésilien jouant en jaune et vert, en auriverde, ça ne peut être qu’un vrai, même formé à la Jonelière…
La Jonelière justement, parlons-en. Le laboratoire du jeu à la nantaise, la pépinière ayant vu « naître » la plupart des joueurs mentionnés ci-dessus. Un centre de formation qui fut très longtemps une référence mondiale. Pour l’anecdote, la Jonelière fut même le théâtre d’une rencontre improbable entre le FC Nantes et… les Wailers de Bob Marley au tout début des années 80 ! À la clé, une victoire des locaux, mais un très bon niveau technique observé chez leurs adversaires jamaïcains…
Dans le cœur du Dandy, les grandes équipes ne meurent jamais et celle du FC Nantes est, assurément, grande. S’en tenant au précepte cher à Jean-Claude Suaudeau : « celui qui renonce à être meilleur, cesse déjà d’être bon ».