Sur la D768 qui mène à Carnac, les banderoles aguicheuses défilent : « course de tracteurs tondeuses », « labyrinthe géant de maïs », « parc de loisirs Le P’tit Délire »… L’arrivée à Carnac s’effectue sous le sceau du Dandysme. Bientôt, les seaux de plage et constructions de sable constitueront son indépassable horizon immobilier, face à l’océan, bleu azur, scintillement du rosé dans les verres ensablés. Accueilli au sortir de la baignade par le Bagad de Karnag qui fait résonner binious et bombardes devant Lulu à la plage, le Dandy effervescent se pique de vouloir danser la gavotte en short de bain. Alignement de menhirs et alignement des planètes : Carnac a, à cet instant, le look supersidéral de l’avenue de Port en Dro.
…de jeunes hommes accompagnent leur bouteille de Chivas Regal 18 ans d’âge de… soda de marque rouge.
Devant l’Exit Bar toujours plein à craquer, le Dandy poursuit, voyageur en chemin, jusqu’au Café del Sol où le Dj commence à jouer de la musique premium. Le lieu, accueillant et chaleureux, qui vaut mieux que ce nom peu inspiré qu’il s’est choisi, offre au Dandy l’occasion de rencontrer de premières âmes féminines en goguette. L’une d’elles, interrogée sur son port altier du pull sur les épaules, répond mi-franche mi-taquine : « Paris 16ème ». Audace ingénue de celle qui vient de Boulogne ou Puteaux mais dont le groupe de pairs semble égaré au milieu d’une population qu’elles croient dominer, sans la comprendre. Sur une terre où, 4000 ans avant l’homme sur la croix, un peuple décidait de mettre des pierres debout et trouvait ça joli, on ne peut guère – sauf à être un Dandy – vouloir impressionner qui que ce soit. C’est d’ailleurs en adepte de la préservation du patrimoine immémorial (nocturne) de Carnac que le Dandy regrette infiniment la disparition du Petit Bedon dans sa version boîte de nuit, magique. De même que celle du Whisky Club devenu Le Privé, perdant au passage l’essentiel de ce qui fit son charme, auquel la présence de Mademoiselle Agnès participa. Tristesse et nostalgie telles qu’au bar du Privé, de jeunes hommes accompagnent leur bouteille de Chivas Regal 18 ans d’âge de… soda de marque rouge.
Solides comme un dolmen, les valeurs montantes de Carnac se mêlent aux valeurs sûres : le 18ème Amendement, une belle adresse restauratrice avec son ambiance voyous chic (patron dixit) ; La Baignoire de Joséphine, délicieusement cachée sous son arche de verdure, pour un verre de fin d’après-midi ; l’étonnant Camping des Menhirs où Sylvain réalise – paraît-il – des burgers qu’il est impossible d’achever ; et d’évidence, comme un crin de cheval posé sur un bord d’étang, la discothèque Les Chandelles d’excellente tenue. S’il fallait parler d’une rencontre, elle serait celle-ci : rencontre entre une discothèque et des Dandys, un accueil majeur et un accord chaussettes–chemises mineur, une ambiance festive et des ambianceurs effrénés, Ti punch et punchlines, Djette canon et chaloufs en seersucker style tropézien Dinard La Baule Rouen rive gauche, portiers de valeur et porteurs de pochette P.S.G, Virginie et son petit monde. Loin de leur brûler les ailes, Les Chandelles ont décuplé celles des Dandys, heureux en leur palais de la découverte.
Une nuit ne finit jamais ; surtout pas aux portes de l’Hôtel Les Salines thalasso spa tout proche. Immense déception de découvrir qu’un tel établissement ne propose pas de service cocktails au bar à 6h en before de la matinée. Dans une exquise bise et son dernier soupir, la lune a décidé de faire une fleur aux Dandys : une teillebou de single malt, à demi-entamée, trône esseulée sur la scène où, la veille, la sardinade battait son plein. Oasis de bonheur dégusté sur une plage déserte. Nage au levant en direction d’un petit voilier qui part pour les Amériques, applaudissements nourris envers les joggeurs et cyclistes du matin, les Dandys sont dans leur élément au milieu de ce peuple de vacanciers. Appelé plus classiquement : des familles. 2000 ans après l’homme sur la croix, Carnac a changé ses menhirs d’épaule et ressemble à un alignement de serviettes de plage, de monospaces, de lunettes de soleil, de cornets de glace, de tote bags et de pintes de bière. Si Gérard Vincent voyait ça, il ne serait pas content ; les Dandys, eux, adorent.
À Aloyse