Tonnerre de Breizh : à Brest, les Dandys ont bien craint de tomber en rade. Non de jeux de mots, on s’en doute. C’est le chauffeur Ouibus qui a ouvert le bal : « Pourquoi dit-on que les bretons sont tous frères et sœurs ? Parce qu’ils n’ont Quimper. » – merci Thierry. Mais en rade de lieux de sortie et de lieux de vie, bande de flibustiers ! Ce n’est pas passé loin. Fait rare, les Dandys sont disposés à faire, ici, amende honorable eu égard à la conviction qui les a portés vers ce bout de terre finistérien. Erreur n°1 : convaincus que la vie d’une ville est au centre-ville (normal), ils ont négligé que la vie d’une ville portuaire se déroule sur son port (logique). Erreur n°2 : ils ont contemplé depuis leur fenêtre, sans se décider à l’emprunter, l’innovant téléphérique surplombant la Penfeld ; las, ils auraient découvert sur la rive droite les Ateliers des Capucins, véritable respiration patrimoniale, culturelle et réflexive d’une ville en évolution.
Généreusement, un mataf de l’arsenal y paye sa tournée.
L’arrivée à Brest fut pourtant d’un exquis ravissement : assis dans le kiosque de la place Wilson, un trentenaire artisan en confection de cigarettes rigolotes diffuse sur son téléphone portable… de la musique bretonne. Résonnent jusqu’au loin bombardes et binious ; l’appel du fest-noz est reçu dans son sens le plus littéral : c’est parti pour la fête de nuit. Au Café Fleuriot, installé en plein cœur du disquaire Dialogues, le verre de vin est accompagné d’une mignardise salée. Délicate attention que parachève un service de qualité avec présentation de la bouteille avant service à table.
Le choix du premier point de chute nocturne est déterminé sur le simple fait de son nom : le Cube à ressort. Son évocation hérissera sans doute quelques cheveux sur les têtes les plus noceuses de la ville, c’est sans connaître la puissance musicale de Dj Arc’hin. En résidence tous les jeudis soirs ou presque, il bénéficie d’une autorité incontestable au sein de l’établissement où les écrans intiment cet ordre : « on ne critique pas Dj Arc’hin ! ». Son set s’avère méritoirement plus expressif que la conjugaison d’une clientèle estudiantine et d’une musique commerciale au One Club où les Dandys ont fini par échouer. Généreusement, un mataf de l’arsenal y paye sa tournée. Déjà le combat ne se situe plus ici ; la lutte pour se restaurer, au matin clair, est remportée haut-la-main par l’hôtel Vauban dont le petit-déjeuner est un bonheur.
Au second jour, le Dandy comprend qu’il s’est réveillé à Brest, et nulle part ailleurs : rue Victor Ségalen, un jeune homme traverse fièrement le passage clouté laissant flotté sur son sac à dos le Gwenn ha Du. Depuis la place de la Liberté, dans son bureau de l’imposant hôtel de ville, le maire a tout loisir d’observer dans la rade les sous-marins nucléaires effectuer leur créneau. Aussi interminable que désolante, la rue Jean-Jaurès et sa succession d’enseignes mercantiles (seule l’échoppe du Stade Brestois s’en distingue) transforme le marcheur en randonneur urbain. Quiconque se montre moins aguerri qu’un Dandy risque fort de passer à côté de quelques jolies rues adjacentes et de la divine place Massillon. Mention spéciale également pour les revigorantes Halles Saint-Louis.
La séance de rattrapage débute au Tudor, un joli bistrot de début de soirée. Au Baroombar (anciennement La Soute pour les connaisseurs), l’œil des Dandys frise à la vue d’un babyfoot. Ils y avisent un duo de Brestois pour une partie improvisée : victoire 2-0 pour les Canaris. Musicalement comme en termes de clientèle, les Dandys retrouvent un esprit qu’ils affectionnent. Ils ne sont pas loin d’y rencontrer quelques âmes charitables défendant (enfin) leur ville. Enthousiastes en sortant de la cale de ce club, les Dandys hésitent sur la marche à suivre : prendre un trimaran de course dans la rade pour rejoindre Nantes par la mer ou retourner petit-déjeuner au Vauban en se préparant des œufs à la coque en 3 minutes. Le plus raisonnable est, pour l’heure, le plus approprié. Et PAM !
À Jacqueline C.