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Oh la barbe

Comme un bourgeois gentilhomme de la Place Édouard-Normand, soucieux d’avoir fière allure en remontant la rue de la Bastille, c’est avec ce genre d’argument que le Dandy, pourtant peu sujet à la flagornerie, s’est laissé convaincre. L’histoire retiendra que c’est un coup de billard à deux bandes élogieuses qui contribua à lui donner un nouveau visage. Depuis, la rue Jean-Jaurès n’a incontestablement plus la même saveur. Même si ce dernier serait bien désespéré (entre autres raisons) à la vue des inénarrables hipsters ultra-barbus portant des T-shirt ghetto « Thug Life » avec Jacques Chirac en fraude dans le métro.

Tu devrais te laisser pousser la barbe, ça t’irait bien et ça ferait carrément ressortir tes yeux..

En règle générale, pour le Dandy, omniprésence vaut défiance. Marquage social très prononcé vaut fléchage commercial fort avisé. Succès auprès de la gent féminine vaut… Ok ça mérite d’être envisagé bien que. La réticence du Dandy, en forme de résistance, n’a pas complètement disparu. Nonobstant sa très large diffusion, la barbe obéit massivement à une typologie sociale bien établie : un webdesigner amateur de musique électro se rendant en skateboard de la place de la République au quai François Mitterrand, un chargé de clientèle consommateur des bières maison de Bubar achetant ses chemises par 3 chez Café Coton rue Franklin, un responsable de service informatique lecteur de bandes dessinées et fan inconditionnel du Temple du jeu, un musicien intermittent du spectacle qui aime user du klaxon de son vélo sur le Quai de Versailles pour signaler l’arrivée de son cortège. Peu d’ouvriers, peu d’intérimaires, peu d’agriculteurs, peu de boulangers. Mais d’autres porteurs ont souvent la malchance qu’on y assigne une signification plus spirituelle qui n’a, actuellement, pas bonne presse. Sans préjuger d’ailleurs de la qualité de cette dernière.

En réalité, loin d’être un choix de pure esthétique, le port de la barbe répond surtout à une nécessité masculine bien compréhensible : se débarrasser enfin d’un rasage quotidien tellement rasoir. Sauf pour ceux qui se rêvent un destin national et croient encore dans cette recette mirage ; celui qui fut ne sera plus. À la faveur de l’abandon par tous les hommes barbus du Gillette Mach 3 Turbo dont chacune des lames remplissait une fonction très précise excellemment illustrée dans la réclame, le joli métier de barbier a retrouvé des couleurs. Le Dandy en était resté au noir et blanc du formidable barbier Chaplin dans Le Dictateur. Il lui reste aujourd’hui à se convaincre que le soin qu’il apporte à son attribut pileux puisse être délégué à d’autres, tout aussi méticuleux.

Le spectacle de la belle unanimité de la barbe qui se joue, chaque jour, dans les rues de Nantes ne doit pas se faire sans rappel. Cette mise en scène, dont le Dandy est un acteur, est aussi celle du pouvoir. Du pouvoir des hommes. Il faut, à cet égard, reconnaître au groupe d’action militant La Barbe d’avoir eu l’ingéniosité de reprendre à son compte ce symbole dans une visée contestataire. Ces femmes n’en dénient pas au Dandy sa qualité de gentil homme (ce qu’il est en tout point), elles entreprennent seulement de lancer au bourgeois qui, en lui, fait souvent de la pose sans le savoir : « oh la barbe ! ».

Signature Évariste